29.10.08

Montreal. PQ


Enfin de retour après cet épuisant mais ô combien mémorable tour du monde. C'est ma rédactrice en chef qui va être contente que je lui remette mon texte à temps!

Durée du voyage autour du monde :
3 demi journées.


Dépenses
:
Gaz : 42,65 $
Vodka : 22,70 $
Provisions : 28,50 $
Restaurants : 57,89 $

Nil, Égypte


Nous sommes descendus pas loin des sources du Nil. En entendant le bruit de mon vieux moteur 1978, les antilopes ont déserté le point d’eau où elles s’abreuvaient. Nous étions vraiment au bout du monde. Il était temps de reprendre la 40 et de rentrer à la maison.

(Pointes aux Trembles)

Panne


Finalement c’est de l’essence qu’il fallait ajouter.

(Partout)

Mauritanie


Mauritanie. Monsieur Attigh raconte l’histoire de son mur du bonheur. Je bois ses paroles.

(Mile End)

Liverpool


J’avais envie de crier « Help » comme les Beatles à cause de cette #*)&%) !!@ de transmission à *&% !!@?&.

(Hochelaga)

London


Après la traversée de la Manche, petit coup de fil pour dire que nous sommes bien arrivés. La fucking cabine ne fonctionnait pas bien sûr.

(Ville Mont-Royal)

Provence


En approchant d’Avignon, nous avons trouvé un moulin comme celui d’Alfonse Daudet. J’en ai profité pour écrire quelques lettres.

(Montréal Est)

Hollande


L’ancienne caserne de Delphes aux Pays-Bas a été transformée en musée. Nous avons visité la taverne juste à côté.

(Vieux Montréal)

Lorgues


Les vieux remparts des Templiers à Lorgues. En Provence, c’est toujours l’heure de la sieste.

(Vieux Montréal)

Italia encore


Un peu perdus dans les rues de Treviso, dans la région de Venise. C’est ici qu’on aurait aimé que l’eau se transforme encore en vin.

(Verdun)

Dubrovnik


Dans les rues du vieux Dubrovnik en Croatie, la modernité se cache au bout des vieilles ruelles.

(Vieux Montréal)

Italia

La campagne italienne, au Nord d’Udine, non loin de la frontière croate. Les blés ne sont pas coupés. Les morts sont au frais.

(Cimetière Côte des Neiges)

Hambourg


Partout dans Hambourg en effervescence se dressent des immeubles de verre qui déforment le passé qui file dans leurs vitres teintées.


(rue Notre Dame Est)

Berlin


Berlin Est. Partout, les traces d’un passé imposant et d’un mur qui fait partie de l’histoire. La pierre grise est froide, comme le temps qu’il fait.

(Hochelaga Maisonneuve)

Ukraine

Lors de notre escale à Kharkov en Ukraine, nous avons été réveillés par les cloches du grand St Basil.


(Rosemont)

Minsk


Arrêt forcé dans la banlieue de Minsk, capitale du Belarus. Problèmes de perte d’huile encore. Cette fois j’en achète 5 L chez un vendeur de tracteurs. Ça marche.

(Mile End)

Roumanie


Zone industrielle désaffectée en pleine campagne roumaine. Encore l’huile qui fait des siennes. On ne peut pas rouler à l’huile de foie de poisson de la mer Noire tout de même. De toute façon, il reste presque plus de poisson dans la mer Noire .

(Canal Lachine)

Tel Aviv


Tel Aviv. On est aussi perdu en Israël qu’en Chine. Heureusement, ici, they speak english of course. Mais veuillez SVP ne pas rester stationné ici.

(Outremont)

Turkménistan


Usine d’armes chimiques top secret au Turkménistan près de la capitale Achgabat. On n’est pas resté longtemps… De toute façon il n’y avait pas de McDo dans le coin.

(Montréal Est)

Punjab


Pakpatan, à l’Est du Pakistan. La richesse des temples est aussi imposante que la misère qui les entoure. Il y avait pas loin un autobus rempli d’Américains. Je me suis fait réveiller par les pèlerins en procession qui se rendait à la prière du matin.

(Lassalle)

Oulan-Bator


Gare de triage d’Oulan-Bator, capitale de Mongolie. Des wagons ressemblent aux nôtres. Ceux-ci sont en partance pour la Russie, la Chine ou la Corée.


(gare de triage d'Outremont)

Inde


Le campus Anna Mathmaramba, non loin de Madras en Inde. Relique propre et réplique studieuse de l’époque coloniale.

(Baie d'Urfée)

China


Tiajin près de Beijing. Un petit quartier tranquille dans une petite ville tranquille. Mais impossible de trouver un essuie-glace made in Germany ici.

(Centre ville)

Mandchourie

Après la traversée de la mer de Béring et l’arrivée à Vladivostok, la steppe de Mandchourie vers Beijing. La route court au milieu des herbes folles. On est loin dans l’Est.

California

Laguna Beach, California. Ne me demandez pas ce qu’on faisait là. Ils ne vendaient même pas de crèmes glacées. On a mangé ce qui restait d’Ecrapu-Bean écrasés au soleil.

(Montréal Est)

Virginie

Smithfield, Virginie. Yves a pris le volant devant la maison natale de Brad Heffer, le célèbre lutteur, avant de rejoindre la mythique route 66 pour la grande traversée des Etats-Unis.

Washington


À Washington, tout le monde veut avoir sa maison blanche… Ici celle d’un certain Kiki Corleone.

New York


Une nuit à Brooklyn. L’aube avant la route. C’est encore un peu chez nous. Mais en voyant une troupe d’ados surgir d’une ruelle, nous avons vite rangé notre matériel de camping.

PLAN


Plan de route :
Partir autour du monde sans sortir de l’île de Montréal.

Dépenses :
Gaz : 42,65 $
Vodka : 22,70 $
Provisions : 28,50 $
Restaurants : 57,89 $

Le monde au coin de la rue.

Monsieur Attigh est quelqu’un de spécial. Il parle un Français souriant. Mais ce n’est pas ça qui est spécial. Quand nous l’avons rencontré, nous étions au bout du rouleau et, encore une fois, au bord de la panne d’essence. Il nous a donné l’énergie de terminer notre périple. Monsieur Attigh a l’air un peu gauche et timide. Mais dès qu’il raconte les histoires de Djadibami, son village de Mauritanie dont personne ne connaît l’orthographe exacte, il nous ouvre les portes d’un autre monde. Comme celui du mur de l’espoir. Sur ce mur brûlé par le soleil de l’été qui s’achève, les carrés, les ronds et les triangles, racontent la vie des gens qui l’ont décoré. Des passants, des gens tristes, des gens heureux qui ont pris le pinceau pour mettre de la couleur dans la sécheresse d’une ruelle mauritanienne.

Écouter Monsieur Attigh, c’est déjà un autre voyage.

Pourquoi chercher si loin ce qu’on a si près ? La Khaïma, le restaurant de Monsieur Attigh, est au bout de la rue. À deux pas, il y a Vito, le boucher Italien, Georges, l’épicier Grec, le Special’s de Wilensky, les crêpes de Simoun, les fleurs de Tamey, les confitures de Marek, le sourire de Stavros, la poutine de Martin…

J’ai vidé le Westfalia. Yves a sélectionné ses photos. J’ai tracé sur la carte notre trajet, il avait la forme d’un poisson. La rédactrice en chef nous attendait depuis une semaine. Elle m’a dit que j’avais besoin d’une bonne douche.

Grand monde


Étrangement, nous n’avons pas rencontré grand monde autour du monde. L’été était-il trop collant ? Ou le monde était-il parti en vacances lui aussi ? J’ai noté une négresse aux fesses rebondies dans une gargote au bord de la grand-route. Une bande de jeunes malfrats menaçants qui nous ont obligés à rebrousser chemin alors que nous avions très faim. Un vieux rabbin curieux. Une petite adolescente toute frisée venue de l’autre côté de l’océan et que nous avons prise en stop le temps de quelques étapes. Un pompiste édenté plus intéressé par notre véhicule que par la couleur dorée de la carte de crédit que je lui tendais. Un vieux Chinois plié en deux qui ressemblait singulièrement à celui du Super Marché Ming que j’avais décrit dans l’Urbania numéro 12 sur les ethnies. Peut-être était-ce lui ? Une vieille Ukrainienne les mains pleines de terre qui répétait sans écouter notre réponse la seule phrase qu’elle connaissait en anglais : what are you doing, what are you doing…

Heureusement, aux confins de la Mauritanie et de la Grèce, nous avons rencontré Monsieur Attigh, le seigneur du désert.

Ce n’est pas parce que la terre ne tourne pas toujours rond qu’elle est plate.


Au milieu de l’aventure, j’ai eu envie de retrouver mon lit, ma douche, mon confort. Mais pas moyen de faire demi-tour. Si le monde a un sens, il faut aller jusqu’au bout pour retrouver son point de départ.

Entre chez nous et chez nous, qu’y a-t-il ? Chez l’autre. Et finalement ce n’est pas très différent de chez nous. L’espoir, la vie, l’amour, la mort,… les centres d’achat, peut-être ? Il y a beaucoup de centres d’achat dans notre monde.

Arrêtez le monde, je veux descendre !

Dès qu’on sort de Montréal, je veux dire du quadrilatère rassurant entre St Urbain, Sherbrooke, St Denis et l’avenue des Pins, on est déjà ailleurs. L’Italie n’est pas loin. La Chine un peu plus bas. Le Portugal à deux pas.

C’est fou le monde qu’il y a à Montréal.

Ce qui est vrai n’est pas toujours ce qui n’est pas faux. Et inversement. À l’envers de la planète, c’est encore la même planète.

Détour du monde

Pour faire le tour du monde de Montréal à Montréal, nous aurions pu faire le tour des buffets chinois, des tavernes grecques, des pizzerias italiennes, des sushi-shops, des restos indiens et autres Falafel et Shitaouk à volonté. C’eût été trop facile. Et au lieu de ramener des dizaines de photos apocryphes d’un voyage mythique, nous n’aurions ramené que quelques kilos superflus sans intérêt socio-journalistique.

Nous n’avons pas vraiment suivi la carte. On aurait pu appeler ce voyage « détour du monde ». Mais au bout du compte, nous en avons fait le tour sans encombre.

Nous avons commencé par le Sud, même si ce n’était pas sur le chemin. Pour quitter le Nord, la pluie et les discours radiophoniques sur les accommodements raisonnables.

Nous sommes ensuite partis vers l’Ouest, mais rapidement, nous nous sommes retrouvés dans les pays de l’Est. Il y a toujours un moment où l’Est bascule à l’Ouest. Et inversement.

Notre trajet n’a pas été très catholique, plutôt cahoteux. Nous n’avons suivi aucune direction, juste notre inspiration. Plusieurs fois nous avons perdu le Nord. Nous savions qu’il fallait aller par là si nous voulions revenir ici.

Les anciens croyaient que la terre était plate et qu’au bout, il n’y avait rien. Nous sommes allés jusqu’au bout, aux deux bouts devrais-je dire. Et à chaque extrémité, nous avons trouvé un pont. Entre les deux, il y avait un monde que nous n’avions pas imaginé.

Le grand départ

On aurait voulu faire les choses en grand, partir sous les applaudissements de la foule comme Tintin qui part à la conquête du Congo, prendre notre première photo de voyage devant les bureaux de notre éditeur, saluer les envieux du balcon d’Urbania. Mais le mercredi matin où nous avons quitté le centre ville, il n’y avait personne pour nous acclamer et les bureaux d’Urbania étaient inaccessibles à cause des travaux interminables sur St Lo. C’est au bout de la route que nous avons rencontré le monde.

De Montréal à Montréal En faisant le tour du monde

Après avoir chargé le vieux Westfalia 1978 de l’essentiel, après avoir vérifié l’huile, la pression des pneus, le fonctionnement des phares, l’efficacité des essuie-glaces, après les adieux déchirants de nos proches incrédules, après un bref plan de route à notre rédactrice en chef, après un ultime coup d’œil à nos papiers officiels, nous nous sommes retrouvés sur l’autoroute Métropolitaine à l’heure de pointe. C’était déjà l’aventure.

Le début de l'aventure


Dans quelle espèce d’aventure me suis-je embarqué ? Quand j’ai accepté de partir pour le magazine Urbania avec le photographe Yves Renaud pour faire le tour de notre monde, je n’avais pas pensé aux nuits blanches le long des routes noires fréquentées par des camions déglingués, le ravitaillement impossible dans les vastes étendues sans vie, les églises fermées aux pèlerins perdus, les fontaines taries, les jardins verdoyants protégés par des grilles menaçantes, les millions de kilomètres de bitume, les ponts bloqués et les détours insensés, les routes pleines de trous et les chemins sans issue, les pistes poussiéreuses qui ne mènent nulle part, les traversiers qui n’arrivent jamais et les bateaux qui partent sans nous, le marchandage sans fin dans des souks sans fond, les gens qui parlent un sabir indéchiffrable et les autres qui ne parlent pas, les restaurants miteux et les plats douteux, les lacs trop pollués pour se baigner, les forêts peuplées de bêtes mystérieuses, les maisons abandonnée aux fenêtres placardées, le regard curieux des gens qui voient notre caravane s’éloigner dans un mélange d’huile brûlée et d’essence frelatée, la chaleur et la poussière, la solitude et la fatigue, la soif et la faim, les pannes inévitables et les arrêts évitables.